Changer la gauche

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Pensée écologique et troisième voie, par Henry J. Dicks



L'un des changements politiques majeurs de ces vingt dernières années fut l'élection de Bill Clinton comme Président des Etats-Unis, en 1993. Sa politique dite "de 'troisième voie"' a rendu possible un dépassement du vieux clivage droite/gauche sur des sujets précis. Consciente des conséquences électorales heureuses de cette nouvelle politique, la gauche anglaise a reproduit le schéma en 1997, ce qui a mené à l'élection de Tony Blair. Depuis, les deux pays ont divergé. Pourquoi donc ?


Après le succès de Clinton, tout le monde prédisait la victoire d'Al Gore en 2001. Pourtant, après qu'il a décidé de ne pas fonder sa campagne sur le danger du réchauffement climatique, sujet dont on sait désormais à quel point il lui tient à cœur, son projet a été critiqué pour son manque de substance et de valeurs ; c'est là que s'est jouée toute l’élection. Par la suite, le virage néo-conservateur des Etats-Unis a été ravageur pour l'écologie. Après avoir nié l'existence du réchauffement climatique, l'administration Bush ne l'accepte aujourd'hui que pour justifier des subventions énormes et écologiquement inefficaces en direction de l'industrie d'agro-carburants –l'enjeu est bien entendu de gagner cette industrie, très puissante, à la cause républicaine. Une telle politique se poursuit donc aujourd’hui de manière stupide, aux dépens d'autres innovations écologiques moins polluantes, et elle contribue à la flambée mondiale du coût du blé.

Les multiples échecs des néo-conservateurs aux Etats-Unis ont poussé la droite anglaise à se positionner vers le centre, adoptant, elle aussi, le discours de la troisième voie. Tout le monde ne jure plus que par elle! Reconnaissons lui pourtant cette vertu : en assurant la stabilité économique anglaise pendant dix années, elle a rendu possible un fait politique relativement rare: les deux partis principaux se détachent aujourd'hui des enjeux politiques traditionnels pour se tourner l’un et l’autre vers les problèmes de l'avenir, et notamment la crise écologique qui s'annonce. Dans une certaine mesure, le centre-gauche a fait son miel de cette crise, en mettant l'accent sur la modernisation inévitable qu'elle nécessite. Le centre-droit a également su adapter son discours aux dangers écologiques, en suggérant que le parti conservateur était le mieux à même de « conserver » l'environnement.

De tout cela, il découle une conséquence évidente : le renouvellement idéologique de la troisième voie, dont on ne peut plus dire désormais qu’elle manque de valeurs, viendra de l’écologie. Or l’environnement, plus que tout autre sujet, nécessite le dépassement du clivage droite/gauche : le combat pour sa préservation doit faire l’unanimité. Au risque, sinon, de tomber dans le travers américain: n'utiliser le réchauffement climatique, dans le discours public, que pour atteindre d'autres objectifs beaucoup moins dignes.

Mais que s'est-il donc passé en France pendant tout ce temps-là ? Pas grand chose, malheureusement. En répudiant une troisième voie qui avait fait la preuve de ses succès en Angleterre comme aux Etats-Unis, la gauche française s'est empêchée d'évoluer depuis les années quatre-vingt. Tout du moins s'est-elle empêchée de repenser ses fondements idéologiques.

Ma proposition est donc la suivante : la gauche, qui a autrefois légitimement refusé la troisième voie pour son manque de valeurs, devrait maintenant l’accepter comme la seule perspective permettant de résoudre la crise écologique. D’ailleurs, ce que la gauche donnera à l’écologie, l’écologie le lui rendra bien: elle lui fournira à la fois une assise idéologique et des succès électoraux !



Henry J. Dicks

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