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Economie et écologie: dépasser le paradigme de la recherche scientifique, par Henry J. Dicks



La France est un pays de philosophes. Alors donc que la philosophie se tient à l’écart de la vie de tous les jours dans les pays anglo-saxons, en France, la philosophie fait partie de la texture même de la société. Le succès de l’existentialisme au milieu du XXe siècle en témoigne. C’est pour cela, d’ailleurs, que la grande tendance philosophique française de la fin du siècle dernier, le postmodernisme, a pu connaître un si grand succès à travers toutes les disciplines, et que l’on étudie Foucault, Derrida, Lyotard, et Baudrillard non seulement dans les départements de philosophie mais aussi dans des départements de sciences humaines et de littérature. Mais le postmodernisme français est-il capable de penser la crise écologique qui, selon presque tout le monde, définira le XXIe siècle?


Pour répondre à cette question, considérons le livre bien connu de Lyotard,
La Condition postmoderne. L'auteur y annonce la fin des grands récits de l’Occident, tels le christianisme et le marxisme. Selon lui, un nouveau grand récit est également impossible, car la fragmentation postmoderne du monde scientifique en disciplines isolées, qui répondent presque uniquement à des fins économiques, empêche l’idéal même d’une vérité objective sur l’histoire. Face à cette fragmentation, Lyotard préconise ce que l’on pourrait nommer "l’interdisciplinarité sans but commun" ; les disciplines sont sensées parler de plus en plus entre elles, et créer ainsi de nouveaux petits récits, sans que ces derniers constituent un grand récit.

La crise écologique est en train de bouleverser ce paradigme postmoderne de recherche scientifique, pour trois raisons :
1- Par la voie de l’écologie –et surtout par la lutte contre le changement climatique– s’annonce un but commun qui nécessite l’engagement de toutes les sciences

2- Le conflit actuel entre des fins économiques et des fins écologiques se reproduit à l’intérieur des études scientifiques. Autrement dit, de même que la seule solution à la crise écologique est d’intégrer l’économie dans la sphère plus large de l’écologie, de même chaque discipline doit-elle s’intégrer dans la science générale de l’écologie
3- Cela n’a aucun sens de favoriser l’interdisciplinarité si les disciplines entre lesquelles on élabore de nouvelles idées répondent presque uniquement à des fins économiques et non pas écologiques.

Pour revenir donc à la différence entre les pays anglo-saxons et la France, le constat suivant s’impose : alors que les pays anglo-saxons ignorent la philosophie et, poursuivent aveuglement des fins économiques, détruisent l’environnement sans pouvoir penser les vraies racines du problème, la France est dans la situation unique de pouvoir élaborer une pensée écologique capable de réunir toutes les sciences particulières dans la poursuite d’un but commun. Une des manières de changer la gauche consistera donc à rompre avec le vieux paradigme postmoderne de la recherche scientifique comme "interdisciplinarité sans but commun" pour encourager chaque discipline à se demander quel sera son rôle dans l’accomplissement d’un monde écologique.



Henry J. Dicks

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