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"The Change we need": sens de l'histoire et révolution écologique, par Henry J. Dicks



Tout le monde l'explique depuis quelques mois, et en particulier depuis hier soir: ces élections présidentielles américaines sont d'une importance "historique". Mais lorsque l’on parle d’histoire, il faut forcément prendre un peu de recul et se demander ce qu’un tel événement veut dire à long terme. En l’occurrence, il me semble qu'à une échelle historique, le point crucial de l'élection de Barack Obama porte sur le rapport entre les Etats-Unis et l’Europe. Le slogan "Country First" mis en avant par McCain, de même que sa stratégie tardive consistant à présenter la politique d'Obama comme du "socialisme européen" incarnent, jusque dans leur échec, l'importance de cet enjeu.

Dès lors, une question se pose avec acuité: ce "changement" sur lequel Obama a tant insisté pendant sa campagne, dont les Etats-Unis ont, d'après lui, tant besoin, serait-il possible qu'il vienne pour partie de l'Europe?

La droite américaine, considérant que l'économie européenne reste assez faible par rapport à celle de pays émergents en pleine croissance, répète à l'envi que l'Europe ne compte plus. D'un point de vue strictement économique, peut-être que ce jugement, modéré, pourrait être justifié. Mais regardons d'un peu plus près. Ce qui relie les Etats-Unis à l’Europe, c’est surtout l’histoire. D’ailleurs, si l’on remonte assez loin dans le temps, on voit que l’origine des Etats-Unis se situe bel et bien en Europe, et que, de plus, la déclaration d’indépendance des Etats-Unis a eu lieu au moment même de la révolution industrielle. Cette révolution, dont une conséquence majeure a été l'émission toujours plus accrue de CO², risque de mener à l'éclatement de la planète. Il est aujourd'hui reconnu par chacun que le changement climatique représente le danger principal des décennies à venir. Selon le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), la seule façon d’éviter la catastrophe serait de réduire les émissions de CO² entre 80% et 95% dans les pays développés, d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, une seule solution est envisageable: une coopération à l'échelle internationale et un accent mis sur l’écologie au détriment de la pure croissance économique. Mais un changement aussi radical pose un véritable problème pour un pays dont les origines remontent à la révolution industrielle: comment adapter son comportement de concert avec les autres nations lorsque sa politique étrangère, tantôt isolationniste et tantôt unilatérale, ne s'est jamais démarquée du dogme de la pure croissance économique?

En Europe, le problème ne se pose pas exactement dans les mêmes termes car, à la différence des Etats Unis, celle-ci n'hésite pas à s'interroger sur les époques grecques, romaines, médiévales ou sur les Lumières –en bref, à replacer le problème dans une perspective beaucoup plus large– pour aborder cette question, comme beaucoup d'autres. Pour le dire autrement, l'Europe changera d'autant plus facilement ce qu'elle est que son horizon est ancien. En menant la lutte contre le changement climatique, elle a déjà démontré qu’elle est prête à infléchir certains comportements. Le combat mené par Al Gore est plus difficile aux Etats-Unis. J'en veux pour exemple la seule analogie qu'il a su utiliser pour démontrer la possibilité interne d'un tournant écologique de la part des Etats-Unis: celle des fumeurs qui ont arrêté de fumer après que l'on eut découvert que cette pratique nuisait gravement à la santé. Cet exemple est symptomatique de la différence de perspective entre les Etats-Unis et l'Europe: non seulement fumer ne nuit qu'à la santé du fumeur, et non à celle de la collectivité, mais ce "changement" n'a, surtout, aucun sens historique.

Par-delà la crise économique qui touche aujourd'hui le monde entier, par-delà de la question du terrorisme qui a tellement hanté le mandat de Georges W. Bush, la portée véritablement historique –entendons: de très long terme– de l'administration Obama devra passer par la redécouverte d'une histoire mondiale dont la prochaine révolution importante sera écologique. C'est là le changement dont les Etats-Unis ont besoin. Seule l'histoire nous dira si Obama l'a compris.


Henry J. Dicks

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