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La réforme du Sénat, un enjeu républicain, par Pierre Haroche



Par un article publié dans l’édition du Monde du 22 juillet dernier, Cristophe Caresche, Gaëtan Gorce, Jean-Marie Le Guen et Manuel Valls dénoncent l’« antisarkozysme pavlovien » des dirigeants de l’opposition qui ont refusé de voter une réforme institutionnelle que beaucoup considéraient comme un progrès et qui reprenait nombre de propositions formulées par la gauche.


Une opposition fondée, mais mal expliquée

Or ce refus, au-delà du simple « réflexe » d’opposition, constituait surtout une tentative de faire avancer la réforme du Sénat que beaucoup d’esprits chagrins disent impossible. L’exigence d’une majorité de 3/5e empêchait la majorité d’agir sans l’aval d’une partie de l’opposition. Dès lors, le PS a tenté d’utiliser –en vain– cette rare occasion pour faire évoluer le statut du Sénat. L’opposition ne se trouve pas souvent en position de force suffisante pour négocier avec la majorité. Dans ce cas précis, la crainte que les socialistes rejettent le texte en bloc et en empêchent ainsi l’adoption aurait pu pousser la majorité à transiger sur la question de la Chambre haute.

Pourquoi faire de la réforme du Sénat le centre des négociations ? C’est l’une des rares institutions que personne n’arrive à réformer depuis 1958, et il s’agit du seul organe démocratique à n’avoir jamais connu d’alternance sous la Ve République. Cette assemblée ayant
de facto un droit de veto dans les réformes constitutionnelles, même la gauche au pouvoir ne pourra jamais la réformer sans l’accord de la droite –du moins par la voie parlementaire.

Il n’existe que deux manières de réformer le Sénat. La première façon consiste à faire pression sur un sujet auquel la droite tient suffisamment pour accepter de mettre à mal son monopole sur le Palais du Luxembourg. C’est ce qu’a tenté de faire François Hollande, sans communiquer suffisamment sur la question. Mais la droite avait une courte majorité, avec l’aide de quelques parlementaires de gauche. Elle a donc pu se passer, cette fois-ci, d’une telle négociation. En définitive, c’est la majorité trop large des parlementaires de droite qui a rendu le combat stérile : la droite n’était pas prête à perdre du terrain sur la question du Sénat, et la gauche, sentant qu’on pouvait se passer d’elle, s’est recroquevillée sur une opposition de principe.

La réforme du Sénat, une exigence pour la gauche

Au lendemain du vote de la réforme institutionnelle, la question de la réforme du Sénat reste plus que jamais d’actualité : après l’échec du référendum de 1969, l’un de ses deux volets –la régionalisation– a été mené à bien, alors que l’autre –la réforme du Sénat– a été abandonné. Pourtant, cette dernière constitue une double exigence pour la gauche, à la fois égoïste et globale : exigence égoïste, puisque la gauche peut souhaiter disposer un jour d’une majorité à l’Assemblée nationale
et au Sénat pour mener à bien ses réformes ; exigence globale, puisque l’alternance devrait être le rythme normal de tout organe démocratique.

Par quels moyens réformer le mode d’élection du Sénat ?

Dès lors que la première méthode a échoué, et que l’occasion ne devrait pas se représenter avant longtemps, mieux vaudrait privilégier la seconde méthode : le référendum. Depuis 1969, le spectre référendaire effraie tous les responsables politiques, de droite comme de gauche. Pourtant, une solution consisterait à annoncer dans le programme présidentiel ou législatif la réforme du Sénat, puis à organiser un référendum dès le début de la mandature socialiste.

Quelle réforme ?

La réforme pourrait dès lors prendre une double forme. D’une part, prenant acte du rôle croissant des collectivités territoriales, il nous semble qu’une élection au suffrage indirect est moins justifiée ; pourquoi ne pas organiser l’élection du Sénat au suffrage universel ? D’autre part, si l’Assemblée nationale a besoin de majorités franches, pourquoi ne pas faire du Sénat une chambre élue entièrement au suffrage proportionnel, représentative de tous les courants de pensée et de tous les partis ? Il y aurait ainsi de grandes chances qu’un référendum permettant d’instaurer un système d’alternance, offrant aux citoyens le pouvoir d’élire proportionnellement les sénateurs, soit accepté par le suffrage universel. Et le Palais du Luxembourg, que personne n’ose aujourd’hui moderniser, s’adapterait enfin à l’idée d’une démocratie moderne.



Pierre Haroche

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