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Les leçons de La Rochelle, par Mathias Chichportich



Que restera t-il de l’édition 2008 de l’université d’été de La Rochelle ? Sans doute davantage que les prophéties musicales de Ségolène Royal, les cent pas mélancoliques de Pierre Moscovici et les chassés-croisés d’Arnaud Montebourg. Pourtant c’est, semble t-il, le scoop du week-end : il existe des ambitions au parti socialiste. Si nul ne conteste la légèreté et l’opportunisme de certains comportements, il est néanmoins naïf et réducteur de limiter l’analyse à une simple lutte de personnes. Naïf, car ce serait prétendre que l’absence d’un leader incontesté à la tête d’un grand parti de gouvernement n’ouvre pas de facto une querelle d’ambitions. Réducteur, car l’université d’été de La Rochelle aura présenté nombre de grands enjeux des mois à venir.


En premier lieu, jamais l’ambiguïté entre logique de parti et logique d’opinion n’aura été aussi patente. Au point que les stratégies traditionnelles en sont bousculées. Tous les socialistes ont en tête le tour de force de François Mitterrand lors du Congrès Metz de 1979. Face au très populaire Michel Rocard, ce dernier avait su jouer de son assise auprès des militants pour l’emporter. A l’inverse, c’est en usant de sa relation privilégiée avec l’opinion que Ségolène Royal parvint à imposer sa candidature à l’élection présidentielle de 2007. Qu’en sera t-il à l’avenir ? Dans le doute, ils sont plusieurs à jouer sur les deux tableaux. Martine Aubry tente de "retrouver" les français tandis qu’elle sait bénéficier d’un solide ancrage au sein de l’appareil. Bertrand Delanoë souhaite, quant à lui, associer à sa popularité une meilleure assise au cœur des structures du parti.

La Rochelle 2008 aura également vu émerger définitivement le socialisme urbain. Renforcés par le récent scrutin municipal, les maires des grandes villes et certains barons locaux conquièrent une influence progressive. Marginalisés jusqu’alors par les grandes figures nationales, ils revendiquent aujourd’hui une expérience locale dont ils assurent pouvoir faire bénéficier le pays tout entier. Quel sera l’impact de cette évolution sur les rapports de force et le contenu de la ligne politique à venir ? Il est sans doute encore un peu tôt pour l’évaluer.

Enfin, reste posée la question de la présidentialisation du parti. Bien qu’elle ait été soulevée par de nombreux analystes, cette interrogation ne paraît pas avoir été traitée au fond. Généralement appréhendée sous l'angle des ambitions personnelles, elle doit, au contraire, être examinée au regard de l’ambition collective du parti. C’est, d’ailleurs, l’un des enseignements à tirer de l’université de La Rochelle : les clivages actuels portent moins sur la ligne politique à définir que sur le mode de fonctionnement que le PS doit adopter. C’est sur ce point que les socialistes auront, en réalité, à se prononcer en novembre prochain. Conserver une structure qui cultive les sensibilités autour d’un animateur dont le rôle sera de coordonner les activités d’une équipe de travail, ou plutôt consacrer un parti qui assume pleinement la logique institutionnelle en portant à sa tête celui ou celle qui sera le plus à même d’imprimer sa marque dans l’opinion?

D’ores et déjà, voilà donc posées les variables qui constitueront l'équation délicate du Congrès du Reims.



Mathias Chichportich

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