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L'autre droite, par Matthieu Niango



Après avoir imité Lamartine (non tant par ses vers que par ses échecs politiques), Dominique de Villepin s’est pris pour Zola en lançant des "J'accuse" contre son ancien rival, auquel il tend à présent, au terme d’un procès sur lequel aucun média ne s’est efforcé, Le Monde mis à part, de projeter toute la clarté requise, une main qui ne vaut plus grand-chose.


Mais qu’on ne détourne pas trop vite les yeux d’une confrontation si pathétique : elle est fort instructive sur l’état actuel de la majorité, tout comme le serait, et plus encore, le procès de Jacques Chirac, s’il avait jamais lieu.

On dénonce à l’envi les divisions actuelles du parti socialiste. Et dans ce jeu des lamentations, la droite met quelque condescendance, se plaignant, dès qu’elle le peut, d’une absence d’opposition qui desservirait la démocratie…

Ces divisions sont réelles. Mais sont-elles vraiment profondes ? Peut-on l’affirmer tout en critiquant le manque de ligne idéologique dans un parti qui se cherche ? Sans choc de convictions saillantes, les fractures sont peut-être moins sérieuses qu’on le prétend.

Le parti socialiste connait avant tout des conflits de personne, dont les fameux courants sont comme les bannières sous lesquelles viennent se nouer des alliances souvent dictées par les circonstances plus que par les idées. Ramenés à l’ordre par la perspective des élections, ou (on n’ose l’espérer tellement ce serait beau) par l’intérêt supérieur d’une nation qui fait actuellement les frais du sarkozysme ; affaiblis par les réformes des pratiques électorales et le rajeunissement du parti, tâche, il est vrai, difficile, mais qui ne relève que de l’habileté politique des instances dirigeantes, les caciques socialistes verront sans doute, un jour prochain, disparaître leurs dissensions de personnes, ou, du moins, seront mis hors d’état de les faire valoir publiquement.

Aussi, et paradoxalement, le marasme idéologique passager du PS est un avantage dans un contexte d’hostilité personnelle : à quoi se raccrocher profondément pour combattre l’autre ? A rien. A un style, à une manière de parler, ainsi qu’à quelques allégeances que la lassitude de la masse militante fera fondre bientôt comme neige au soleil.

Il n’en va pas de même à droite. Le charisme du président de la République, sa campagne éclair où tout le monde semble avoir agi en ordre rangé, a laissé planer l’illusion d’une belle unanimité pendant quelques semaines après les élections présidentielles.

Mais ça n’a pas duré. La grogne causée par l’ouverture chez les élus de droite non récompensés pour leurs loyaux services, ou encore, les récents débordements népotistes de Nicolas Sarkozy, lesquels auraient pu mettre le feu aux poudres de la Fronde, ont, certes, joué leur part dans l’affaiblissement de la position du leader encore incontesté de l’UMP. Mais, ce qui constitue, depuis le début, un vrai danger pour ce dernier et ses partisans, c’est l’existence d’une autre droite au sein même de la majorité.

Cette droite, conservatrice et républicaine, élitiste, humaniste et socialisante, là où l’idéologie présidentielle est caricaturalement nouveau riche, populiste, anti-
Princesse de Clèves et ultralibérale, s’était efforcée de barrer le chemin à l’actuel président de la République, quand son prédécesseur disposait des chausse-trappes sur les chemins de l’Elysée, et, surtout, lui opposait son dauphin de premier ministre désormais dans la tourmente. En vain. Mais il se pourrait qu’elle soit bientôt en mesure de prendre sa revanche.

De cette droite résolument gaulliste, Nicolas Sarkozy n’a jamais pu endosser le costume. Au combat, spectaculaire, car croustillant pour les médias, des personnes à gauche, répond ainsi, à droite, le bruit tonitruant de failles désormais bien visibles, mais d’origine souterraine. Et la maladresse politique de Nicolas Sarkozy dans son propre camp pourrait bien finir par rendre à la gauche unie le service de vaincre sans péril et de triompher sans gloire…

A moins que le procès de Jacques Chirac, par son ampleur et les effets qu’il aura sur les anciens protégés du fondateur de l’UMP dispersés dans l’actuelle majorité, accélère la liquidation planifiée d’une certaine idée de la droite.



Matthieu Niango

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