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Réformes: néo-libéralisme ou néo-bonapartisme ? par Pierre Haroche



D’importants mouvements de contestation agitent depuis maintenant plusieurs mois les universités et les hôpitaux contre les réformes en cours. Mais malgré le climat de grogne généralisée, ces revendications sont souvent considérées avec suspicion par une opinion encore largement formatée par la grille de lecture sarkozyste : d’un côté il y a le camp de la réforme, de ceux qui veulent adapter la France à la compétition internationale ; de l’autre il y a le camp de l’immobilisme, des intérêts catégoriels qui souhaitent avant tout protéger leurs privilèges. Et Christophe Barbier, le directeur de L’Express, a beau jeu de s’étonner devant ces profs qui "refusent d’avoir un patron". Le résultat brutal de ce clivage mal posé, c’est que les socialistes, qui devraient être en pointe sur ces sujets, sont aujourd’hui inaudibles. Ne voulant ni désavouer leur électorat, ni se faire les portes-drapeau du corporatisme, ils se taisent. Tout simplement.


Et pourtant, une fois levé le voile des discours idéologiques, un seul fait crève les yeux : les réformes Pécresse et Bachelot tiennent beaucoup moins de la recherche de la performance que de la recherche de la centralisation du pouvoir, à tout prix et à tous les niveaux. A l’université, la performance c’est la pluralité et l’indépendance des organes de décision, ce qui protège les chercheurs originaux et innovants, et limite le poids des intrigues de cour ; et pas les pleins pouvoirs donnés aux présidents d’université dans la gestion des carrières, quelle que soit la discipline. A l’hôpital, la performance, ce sont des directions collégiales qui intègrent les exigences médicales et les contraintes financières ; et pas les pleins pouvoirs donnés à des directeurs d’hôpitaux qui ne sont pas médecins, et pourront désormais décider de l’offre de soins et des spécialités de leurs établissements en fonction de critères strictement comptables, sans tenir compte des besoins de la population.

Loin du néo-libéralisme qu’on leur impute souvent, la logique des réformes actuelles tient en fait beaucoup plus du néo-bonapartisme. Tout se passe comme si l’hyper-présidence pratiquée à la tête de l’exécutif devait être répliquée à tous les échelons par de petits chefs locaux, des nouveaux préfets, chargés de tout régenter sans aucun contre-pouvoir. A l’opposé, aux Etats-Unis, patrie du néo-libéralisme, les universités et les hôpitaux sont régis sur un mode beaucoup plus collégial. Derrière le mythe de l’adaptation de la France aux standards internationaux se profile en fait un projet politique d’un autre siècle, celui de la concentration systématique du pouvoir, des institutions politiques aux chaînes de télévision, des universités aux hôpitaux.

L’enjeu aujourd’hui n’est donc pas la résistance de telle ou telle catégorie professionnelle à une réforme ponctuelle. L’enjeu est ni plus ni moins d’éviter à la France de se transformer, demain, en république des préfets.



Pierre Haroche

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